Cocaïne : comment se forme la sensation de dépendance ?

L'une des réactions habituelles liées à la sensation de manque chez les cocaïnomanes est la recherche constante de drogue ou la rechute suite à une nouvelle prise de stupéfiant. Selon trois groupes de recherche de l'Institut central (ZI) pour les maladies psychiques de Mannheim, du Centre allemand de recherche contre le cancer (DKFZ) d'Heidelberg et de l'Université de Genève, les changements moléculaires qui ont lieu au niveau des synapses des neurones du système de récompense sont à l'origine de ces comportements. L'étude du comportement de souris génétiquement modifiées afin de ne pas éprouver de dépendance envers la cocaïne a été conduite en collaboration avec les trois unités de recherche susnommées. Ces recherches ouvrent de nouvelles perspectives dans le traitement médical de l'addiction à la cocaïne.

La dépendance à la cocaïne laisse des traces détectables dans le cerveau. Cette drogue provoque des transformations moléculaires au niveau des synapses des régions du système de récompense du cerveau qui produisent la dopamine. La prise de cocaïne influe sur les synapses qui peuvent, selon un phénomène de plasticité synaptique, transmettre un signal nerveux plus fort. Les chercheurs supposent depuis des années que la plasticité synaptique occasionnée lors de la prise de drogue joue un rôle déterminant dans la sensation de dépendance. Les trois groupes de scientifiques sont maintenant parvenus à prouver la validité de cette hypothèse chez la souris, et ce, en éliminant génétiquement, dans les neurones qui produisent la dopamine, un composant du récepteur de la protéine NR1. Celui-ci serait, sous l'effet de la cocaïne, utilisé dans des transformations moléculaires avec d'autres récepteurs neuronaux.

Suite aux tests effectués sur deux populations de souris, les chercheurs rapportent que les souris normales et les souris génétiquement modifiées présentent des réactions identiques suite à la consommation répétée de cocaïne. En revanche, après l'arrêt de la distribution du stupéfiant, les souris génétiquement modifiées ne semblent pas ressentir d'addiction. Chez ces dernières, la sous-unité GluR1 du récepteur neuronal de la protéine NR1 a en effet été désactivée. Les souris non modifiées génétiquement, même sevrées depuis longtemps, éprouveront, dès la première reprise, leur dépendance à la cocaïne alors que les souris dépourvues de la sous-unité GluR1 seront résistantes à une rechute.

"Il est fascinant d'observer comment une seule protéine peut conditionner un comportement d'addiction", déclare le Dr. Günther Schütz du DKFZ. Son collègue, le Prof. Rainer Spanagel du ZI de Mannheim ajoute : "Nos résultats nous ouvrent de toutes nouvelles perspectives dans le traitement de la dépendance. Un blocage du récepteur de la protéine NR1 pourrait prévenir un sujet d'une rechute dans la drogue. Une activation sélective de la sous-unité GluR1 pourrait même permettre d'éradiquer la sensation d'addiction".
 
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